RX&SLAG, Paris

Hermann Nitsch

Birth of light

RX&SLAG a le plaisir de vous présenter la cinquième exposition personnelle d’Hermann Nitsch dans son espace parisien, figure majeure de l’actionnisme viennois, disparu en 2022.

Né à Vienne en Autriche en 1938, Hermann Nitsch grandit dans un climat marqué par la guerre et la violence. Un contexte qui influencera profondément son œuvre. Très tôt, il s’imprègne de poésie, de graphisme, de théâtre, mais aussi de lectures religieuses, psychanalytiques et philosophiques. Nourri de mythes antiques et de symboles issus de diverses civilisations, Hermann Nitsch développe dès 1957 ce qui deviendra l’œuvre de toute une vie : le Orgien Mysterien TheaterThéâtre des Orgies et des Mystères »). Véritable théâtre rituel, il puise dans un ensemble de croyances et de traditions spirituelles, mêlant symboles chrétiens, païens et mythologiques au sens large. L’artiste crée des cérémonies dionysiaques mises en scène sous la forme de drames collectifs, conçus comme des expériences de transe, de catharsis et de communion où le geste, la matière et le corps visent une reconnexion profonde avec l’essence même de l’être.

Il conçoit ses théâtres dans une Autriche encore marquée par le refoulement du passé nazi et cherche à provoquer une véritable catharsis collective, une manière alors de libérer les traumatismes enfouis, mettant son art au service de l’humain. Profondément humaniste, il voulait aider l’homme à s’élever, à accéder à un moment de révélation et de pureté. Son œuvre, nourrie de spiritualité, s’appuie sur les symboles et gestes chrétiens avec lesquels il a grandi mais aussi sur les grands mythes fondateurs des civilisations. En unissant ces références, il cherche à révéler une dimension universelle du sacré, faisant de celui-ci un langage commun permettant d’accéder à la lumière.

Son art provoque une prise de conscience de l’existence, convoquant tous les sens du spectateur : la vue, l’ouïe, le toucher et l’odorat, dans une expérience immersive et cathartique créant un Gesamtkunstwerk : une œuvre d’art totale. Son travail s’inscrit dans le mouvement de l’actionnisme viennois, dont il devient l’un des piliers, en repoussant les limites de la performance, entre peinture, musique et théâtre.
Ses Aktionen (actions) prennent souvent la forme de rituels empreints de symbolisme sacré où le sang (qui peut être véritable ou métaphorique) devient matière picturale et spirituelle. En 1960, il entame ses premières Malaktionenpeintures-actions »), marquant la naissance de ses Schüttbilder : des toiles marquées par des projections de peinture rouge, couleur du sang et du sacrifice. Il intitule ces premières peintures KreuzwegstationenStation du Chemin de croix »).

Cette couleur occupe dès lors une place centrale dans son œuvre. Pour l’artiste, le rouge ne renvoie pas uniquement à une symbolique religieuse : il représente un élément vital, universel, partagé par toutes les cultures. Il incarne à la fois la mort et l’intensité de la vie. Cette « intensité » est fondamentale dans son travail : elle traverse ses toiles, elle heurte, questionne, elle est un éveil à l’être.

Au centre de certaines de ses œuvres figure une blouse blanche, élément récurrent à partir des années 1980. Portée par Hermann Nitsch lors de ses peintures-actions, cette blouse, emprunte des stigmates de l’artiste, est ensuite accrochée tel un trophée en forme de T sur la toile. Elle devient une métaphore de la kénose, un terme grec désignant l’acte de se vider ou de se dépouiller de toute chose. En théologie, la kénose renvoie au renoncement des attributs divins. Mais au-delà de cette lecture symbolique, elle semble surtout marquer la volonté de l’artiste d’inscrire sa propre présence au cœur même de l’œuvre, en brouillant la frontière entre le corps et la peinture.

Bien que le rouge sang soit omniprésent dans son travail, elle n'est pas la seule couleur explorée par Hermann Nitsch. Lors de sa 45e Aktionen, en 2002, le jaune devient sa couleur principale et se sublime progressivement en un jaune rayonnant : "Celui du blé mûr sous le soiel d'été"  selon les mots de l'artiste. Ce jaune s'intensifie jusqu'à devenir une lumière pure, presque aveuglante. La couleur alors n'est plus simplement matière, elle se transfigureen une lumière intense et semble atteindre une dimension spirituelle et sacrée : c'est la lumière de la résurrection et de l'espoir. Le jaune éclatant vient dialoguer avec le rouge originel et de leur rencontre naît l'orange, une teinte ocre et solaire, qui crée un lien de continuité entre les premières oeuvres sanglantes et une dimension plus lumineuse, presque sacrée. Ces toiles récentes suggèrent un renversement symbolique : le jaune triomphant sur le rouge, la lumière triomphant sur la douleur. À travers l'évolution de sa palette chromatique, Hermann Nitsch met une fois de plus son art au service de l'homme, offrant par la couleur une voie de révélation comme uen forme de rédemption picturale.